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mercredi 11 juin 2014

Congrès CFDT : table ronde sur la mondialisation

Cet article rend compte du débat : « quelles régulations pour favoriser le développement économique et le progrès social dans un monde globalisé ?" conduit par Marcel Grignard.



Il a invité Pascal Lamy, Delphine Ernotte-Cunci (directrice générale d’Orange), Reiner Hoffmann (président du DGB) et Isabelle Guillemot (secrétaire du comité de groupe européen d’Alcatel) .
  1.      Quels sont les principaux éléments de l’état du monde actuel qui vont dans le bon sens, et lesquels vont dans le mauvais sens ?
Tour de table sur cette question.  Le représentant de la DGB parle du besoin de réguler les marchés financiers, qui devraient être au service de l’économie réelle. Les syndicats dans ce contexte doivent dépasser les frontières : c’est le rôle de la Confédération Européenne des Syndicats, avec l’objectif de développer les comités d’entreprise européens. Il faut voir l’Europe comme un modèle ; donc il est nécessaire d’approfondir l’intégration et de définir des règles du jeu au niveau européen.

Pascal Lamy montre les aspects positifs de la globalisation du capitalisme marchand : augmentation des classes moyennes dans le monde dont 1 milliard en Asie (2 au total ; 5 en 2030). Mais les inégalités se creusent. Du temps de la révolution industrielle, les mutations ont été maitrisées par les mouvements sociaux, selon un rapport de force qui a débouché sur des régulations, des équilibres et du progrès. Ces équilibres se sont construits dans un cadre national. Or ce cadre est remis en cause, du fait de la multi localisation s’appuyant sur la mise en concurrence des systèmes économiques et sociaux.
La question aujourd’hui est : par quoi remplacer les anciens modèles de régulation, désormais obsolètes ?
On peut le faire à l’échelle mondiale (en passant par l’échelle européenne) mais on se heurte à des difficultés : le système international est organisé autour de la souveraineté de l’Etat-nation qui a le monopole de la régulation. (200 Etats-nations). Et tous les Etats ne sont pas d’accord avec cette idée de régulation. Par exemple, si accords il y a sur le salaire minimum, cela ne peut être que sur le plus petit dénominateur commun.
On peut aussi passer par des coalitions : en associant les pouvoirs politiques, les sociétés civiles, les syndicats et les entreprises, comme pour la lutte contre le sida, qui est plutôt un succès.
L’échelon européen (qui représente 50% des dépenses de sécurité sociale du monde) qui est un modèle, comment peut-il peser dans le monde ?
Marcel Grignard pour montrer l’évolution des pratiques donne deux exemples, celui de Nike il y a une dizaine d’années, et celui récent de Rana Plazza. Dans le cas de Nike, ce sont les ONG qui ont révélé le travail des enfants et la pression fut telle que Nike a très vite du changer de stratégie économique, pour préserver son image. Dans le second cas, où toutes les grandes marques sont mouillées, ce sont les organisations syndicales internationales et les entreprises qui ont abouti sur un accord pour créer un fond financier pour payer des inspecteurs indépendants qui sont chargés de vérifier les bâtiments pour la sécurité des travailleurs. Soit il y a mobilisation des acteurs par des règles (Nike), soit par des accords collectifs (rana Plazza).
  
2.      Quels mécanismes de régulation sont inadaptés, ou à compléter ? Quels sont les bons leviers ?
Pascal Lamy : deux vecteurs possibles : soit édicter des règles au niveau mondial, soit mener des actions concrètes. Ainsi depuis 30 ans, pour la question de l’environnement, on note la limite des règles : le  protocole de Kyoto est un succès dans un premier temps puis un échec quand on a voulu lui donner une dimension mondiale. Pour les paradis fiscaux, la crise conduit à réguler mais il reste des problèmes de concurrences fiscales non réglés.
Dans le cas du Rana plazza, les marques ont eu peur d’être mises en cause par la coalition des consommateurs, des forces syndicales et des pouvoirs politiques du Bangladesh. Des comités d’entreprise sont nés.
Il faut donc de la régulation mais il faut pouvoir la mettre en œuvre : l’OIT s’avère inefficace car tripartite. Il faut surtout engager sur le terrain des avancées. Dans quelle mesure le mouvement syndical est-il bien organisé en Europe et dans le monde pour pouvoir peser ? Il reste beaucoup à faire !

Delphine Ernotte-Cunci : Le nombre de salariés baisse alors que les besoins augmentent. Or il est urgent d’investir pour des investissements qui ne seront rentables que dans 25 ans ! L’Europe peut aider mais pas suffisamment.

Reiner Hoffmann : quand on parle de régulation, il ne faut pas oublier la Démocratie : qui fait les lois ? Il existe en Europe un processus parlementaire démocratique pour définir des règles, or au niveau international, il y a certes un besoin de règles, mais il y a un déficit démocratique. Ce qui est décidé dans les grandes institutions n’est pas contrôlé par les parlements. Quand le FMI  impose aux pays de l’Europe du sud, les droits des travailleurs sont bafoués.
Marcel Grignard : les décisions du FMI (qui joue le rôle de banquier des états en faillite, tandis que les autres Etats sont actionnaires = pourvoyeurs des fonds) se font en concertation avec l’Etat des pays concernés : celui-ci pourrait établir un débat public, mais ne le fait pas ; ce qui lui permet de faire du FMI le bouc émissaire, alors qu’il est pleinement partie prenante. Donc le problème démocratique se pose au niveau de l’Etat. Il faut une information de qualité, qui passe par les entreprises, par les états…
Reiner Hoffmann : c’est ce que j’appelle déficit démocratique : les gouvernements doivent informer ! Il faut que les parlements contrôlent, co-décide. Le défi pour les syndicalistes, c’est de réagir non seulement au niveau national mais aussi au niveau européen et mondial.
On peut avoir une influence sur les multinationales : que les entreprises se sentent responsables du fait qu’elles ne respectent pas les règles ailleurs dans le monde. Volkswagen a un site au Etats Unis avec 5000 employés - Chattanooga dans le Tennessee (seule usine VW en dehors de la Chine où il n’y a pas de comité d’entreprise local donc à ne pas pouvoir siéger au comité d’entreprise mondial de VW) : on a tenté et on a échoué du fait d’une législation prohibitive. C’est l’échelon politique qui a décidé qu’il n’y aurait pas de comité d’entreprise. Il faut donc que ces droits syndicaux fondamentaux soient ratifiés par l’OIT pour qu’aux Etats-Unis, des sections syndicales puissent librement se constituer !
Pascal Lamy : l’action concrète est indispensable pour pallier l’insuffisance des règles internationales.
La représentante syndicale d’Alcatel dit la nécessité de règles sur lesquelles s’appuyer pour agir.

Marcel Grignard : il y  a peu de débat sur le droit syndical partout dans le monde. 

3 -     Sur quel sujet agir et que peut-on espérer ?
Pascal Lamy : que les meilleurs statuts d’une chaine de valeurs s’appliquent à tous par le travail syndical ; il faut développer le travail au local pour former des coalitions au niveau européen car le modèle de l’économie sociale de marché européen est à étendre.

Reiner Hoffmann : on a besoin d’un changement politique en Europe ; la nouvelle commission doit revenir aux principes de Jacques Delors, la dimension sociale est indispensable ! Avec des représentants partout pour défendre les droits.

Concluons avec la CFDT : Règles internationales et syndicats forts, indispensables pour réguler la mondialisation !

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