Cet article rend compte du débat : « quelles régulations pour favoriser le
développement économique et le progrès social dans un monde globalisé ?" conduit
par Marcel Grignard.
Pascal Lamy montre les aspects positifs de la globalisation du capitalisme marchand : augmentation des classes moyennes dans le monde dont 1 milliard en Asie (2 au total ; 5 en 2030). Mais les inégalités se creusent. Du temps de la révolution industrielle, les mutations ont été maitrisées par les mouvements sociaux, selon un rapport de force qui a débouché sur des régulations, des équilibres et du progrès. Ces équilibres se sont construits dans un cadre national. Or ce cadre est remis en cause, du fait de la multi localisation s’appuyant sur la mise en concurrence des systèmes économiques et sociaux.
Delphine Ernotte-Cunci : Le nombre de salariés baisse alors que les besoins augmentent. Or il est urgent d’investir pour des investissements qui ne seront rentables que dans 25 ans ! L’Europe peut aider mais pas suffisamment.
Reiner Hoffmann : quand on parle de régulation, il ne faut pas oublier la Démocratie : qui fait les lois ? Il existe en Europe un processus parlementaire démocratique pour définir des règles, or au niveau international, il y a certes un besoin de règles, mais il y a un déficit démocratique. Ce qui est décidé dans les grandes institutions n’est pas contrôlé par les parlements. Quand le FMI impose aux pays de l’Europe du sud, les droits des travailleurs sont bafoués.
Marcel Grignard : il y a peu de débat sur le droit syndical partout dans le monde.
3 - Sur quel sujet agir et que peut-on espérer ?
Reiner Hoffmann : on a besoin d’un changement politique en Europe ; la nouvelle commission doit revenir aux principes de Jacques Delors, la dimension sociale est indispensable ! Avec des représentants partout pour défendre les droits.
Il a invité Pascal Lamy, Delphine Ernotte-Cunci (directrice générale d’Orange), Reiner Hoffmann (président du DGB) et Isabelle Guillemot (secrétaire du comité de groupe européen d’Alcatel) .
- Quels sont les principaux éléments de l’état du monde actuel qui vont dans le bon sens, et lesquels vont dans le mauvais sens ?
Tour de table sur cette question. Le représentant de la DGB parle du besoin de réguler
les marchés financiers, qui devraient être au service de l’économie réelle. Les
syndicats dans ce contexte doivent dépasser les frontières : c’est le rôle
de la Confédération Européenne des Syndicats, avec l’objectif de développer les comités d’entreprise européens. Il faut
voir l’Europe comme un modèle ; donc il est nécessaire d’approfondir
l’intégration et de définir des règles du jeu au niveau européen.
Pascal Lamy montre les aspects positifs de la globalisation du capitalisme marchand : augmentation des classes moyennes dans le monde dont 1 milliard en Asie (2 au total ; 5 en 2030). Mais les inégalités se creusent. Du temps de la révolution industrielle, les mutations ont été maitrisées par les mouvements sociaux, selon un rapport de force qui a débouché sur des régulations, des équilibres et du progrès. Ces équilibres se sont construits dans un cadre national. Or ce cadre est remis en cause, du fait de la multi localisation s’appuyant sur la mise en concurrence des systèmes économiques et sociaux.
La question aujourd’hui est : par quoi remplacer les
anciens modèles de régulation, désormais obsolètes ?
On peut le faire à l’échelle mondiale (en passant par
l’échelle européenne) mais on se heurte à des difficultés : le système
international est organisé autour de la souveraineté de l’Etat-nation qui a le monopole
de la régulation. (200 Etats-nations). Et tous les Etats ne sont pas d’accord
avec cette idée de régulation. Par exemple, si accords il y a sur le salaire
minimum, cela ne peut être que sur le plus petit dénominateur commun.
On peut aussi passer par des coalitions : en associant
les pouvoirs politiques, les sociétés civiles, les syndicats et les
entreprises, comme pour la lutte contre le sida, qui est plutôt un succès.
L’échelon européen (qui représente 50% des dépenses de
sécurité sociale du monde) qui est un modèle, comment peut-il peser dans le
monde ?
Marcel Grignard pour montrer l’évolution des pratiques donne
deux exemples, celui de Nike il y a une
dizaine d’années, et celui récent de Rana Plazza. Dans le cas de Nike, ce sont
les ONG qui ont révélé le travail des enfants et la pression fut telle que Nike
a très vite du changer de stratégie économique, pour préserver son image. Dans
le second cas, où toutes les grandes marques sont mouillées, ce sont les organisations
syndicales internationales et les entreprises qui ont abouti sur un accord pour
créer un fond financier pour payer des inspecteurs indépendants qui sont
chargés de vérifier les bâtiments pour la sécurité des travailleurs. Soit il y
a mobilisation des acteurs par des règles (Nike), soit par des accords
collectifs (rana Plazza).
2. Quels mécanismes de régulation sont inadaptés, ou à compléter ? Quels sont les bons leviers ?
2. Quels mécanismes de régulation sont inadaptés, ou à compléter ? Quels sont les bons leviers ?
Pascal Lamy : deux vecteurs possibles : soit édicter des
règles au niveau mondial, soit mener des actions concrètes. Ainsi depuis 30
ans, pour la question de l’environnement, on note la limite des règles : le protocole de Kyoto est un succès dans un premier temps puis un échec quand on a
voulu lui donner une dimension mondiale. Pour les paradis fiscaux, la crise
conduit à réguler mais il reste des problèmes de concurrences fiscales non
réglés.
Dans le cas du Rana plazza, les marques ont eu peur d’être
mises en cause par la coalition des consommateurs, des forces syndicales et des pouvoirs politiques du Bangladesh. Des comités d’entreprise sont nés.
Il faut donc de la régulation mais il faut pouvoir la mettre
en œuvre : l’OIT s’avère inefficace car tripartite. Il faut surtout
engager sur le terrain des avancées. Dans quelle mesure le mouvement syndical
est-il bien organisé en Europe et dans le monde pour pouvoir peser ? Il
reste beaucoup à faire !
Delphine Ernotte-Cunci : Le nombre de salariés baisse alors que les besoins augmentent. Or il est urgent d’investir pour des investissements qui ne seront rentables que dans 25 ans ! L’Europe peut aider mais pas suffisamment.
Reiner Hoffmann : quand on parle de régulation, il ne faut pas oublier la Démocratie : qui fait les lois ? Il existe en Europe un processus parlementaire démocratique pour définir des règles, or au niveau international, il y a certes un besoin de règles, mais il y a un déficit démocratique. Ce qui est décidé dans les grandes institutions n’est pas contrôlé par les parlements. Quand le FMI impose aux pays de l’Europe du sud, les droits des travailleurs sont bafoués.
Marcel Grignard : les décisions du FMI (qui joue le rôle de
banquier des états en faillite, tandis que les autres Etats sont actionnaires =
pourvoyeurs des fonds) se font en concertation avec l’Etat des pays
concernés : celui-ci pourrait établir un débat public, mais ne le fait pas ;
ce qui lui permet de faire du FMI le bouc émissaire, alors qu’il est pleinement
partie prenante. Donc le problème démocratique se pose au niveau de l’Etat. Il
faut une information de qualité, qui passe par les entreprises, par les états…
Reiner Hoffmann : c’est ce que j’appelle déficit
démocratique : les gouvernements doivent informer ! Il faut que les parlements
contrôlent, co-décide. Le défi pour les syndicalistes, c’est de réagir non seulement
au niveau national mais aussi au niveau européen et mondial.
On peut avoir une influence sur les multinationales :
que les entreprises se sentent responsables du fait qu’elles ne respectent pas les
règles ailleurs dans le monde. Volkswagen a un site au Etats Unis avec 5000 employés -
Chattanooga dans le Tennessee (seule usine VW en dehors de la Chine où il
n’y a pas de comité d’entreprise local donc à ne pas pouvoir siéger au comité
d’entreprise mondial de VW) : on a tenté et on a échoué du fait d’une
législation prohibitive. C’est l’échelon politique qui a décidé qu’il n’y
aurait pas de comité d’entreprise. Il faut donc que ces droits syndicaux
fondamentaux soient ratifiés par l’OIT pour qu’aux Etats-Unis, des sections syndicales
puissent librement se constituer !
Pascal Lamy : l’action concrète est indispensable pour pallier
l’insuffisance des règles internationales.
La représentante syndicale d’Alcatel dit la nécessité de
règles sur lesquelles s’appuyer pour agir.
Marcel Grignard : il y a peu de débat sur le droit syndical partout dans le monde.
3 - Sur quel sujet agir et que peut-on espérer ?
Pascal Lamy : que les meilleurs statuts d’une chaine de
valeurs s’appliquent à tous par le travail syndical ; il faut développer le
travail au local pour former des coalitions au niveau européen car le modèle de
l’économie sociale de marché européen est à étendre.
Reiner Hoffmann : on a besoin d’un changement politique en Europe ; la nouvelle commission doit revenir aux principes de Jacques Delors, la dimension sociale est indispensable ! Avec des représentants partout pour défendre les droits.
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