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La grève de novembre 2000 accouche du statut de 2002 (résident)


Un peu d'histoire !
Novembre 2000, un important mouvement de grèves a touché le lycée Lyautey, ainsi que bon nombre d’établissements dans le réseau de l'AEFE.
La question est la refonte du décret de 1990 dans un contexte où le nombre d'expatriés commence à diminuer, tandis que le statut de résident est précaire.
1990 : c'est la naissance de l'AEFE et donc des statuts définis pour enseigner dans les établissements du réseau, mais si celui d'expatrié est clair, celui de résident est ambigu : être détaché de l’éducation nationale en gardant son grade et son statut (certifié agrégé), et semble-t-il être exonéré (ou ne plus l'être) des frais d'inscription pour les enfants scolarisés, avec une prime de cherté de vie.
Puis la scolarité est devenu payante (et les frais vont croissants) pour que les établissements disposent d'une marge de manœuvre financière pour leurs contrats locaux.
Bref un statut, qui hormis le salaire et une petite prime, avec toutefois, une promotion au grand choix, reste peu avantageux :
  •  3 mois en contrat local avant d'être considéré comme résident; donc sans affiliation à la sécurité sociale, sans cotisation retraite (à un moment où il faut se loger, donc payer des cautions, les frais d'inscription et les manuels des enfants... (les enfants scolarisés doivent de lourds frais de scolarité 9282 FF ou 14617 dh pour la rentrée 2000 par exemple). Les parents doivent acheter tous les manuels...)
  • pas de droit au mi-temps ou temps partiel.
  • pas les mêmes droits en cas de longue maladie. 
Un statut sans commune mesure avec celui d'expatrié pour des professeurs qui ont exactement les mêmes qualifications, avec néanmoins, une mission semblable, notamment de favoriser le rayonnement de la France.
La grève a commencé le 9 novembre 2000 et a duré jusqu’au 24 novembre 2000. Elle succède à quelques mouvements l'année scolaire précédente en mai notamment.
En effet,  l'AEFE n'a pas respecté le calendrier des négociations qui ont débuté en fin d'année scolaire 2000. Les enseignants en grève demandent instamment à l'agence un nouveau calendrier afin d'entamer les pourparlers pour une refonte des statuts des enseignants français résidents à l'étranger avec notamment l'application de tous les droits statutaires reconnus aux personnels en France.
Le mouvement a été général à l'ensemble des établissements du Maroc, mais aussi ailleurs dans le monde.
Au lycée Lyautey, aux questions statutaires des résidents, a été associé le problème des contrats locaux non affiliés alors à un régime de sécurité sociale et de retraite.
Dans ces lycées français, on ne daignait pas se mettre en conformité avec la réglementation française. 
Ces négligences étaient consécutives au changement de statut des établissements, gérés désormais (1990) par la toute nouvelle Agence qui jusque là, dépendaient directement des affaires étrangères, dans le cadre de la coopération.
Le mouvement a été très suivi, avec des moments très intenses : occupation des locaux de l’administration, blocage du lycée, manifestations au Consulat et à l'Ambassade... 
Courrier à la presse... qui enquête :
« Il y a les expatriés pour une durée de 6 ans au maximum. Ils ont droit à la sécurité sociale, la retraite et les indemnités pour enfants entre autres «, explique l'institutrice, qui ajoute: «Je suis une résidente, à l'échelon 5; mon salaire est de 10.500 FF. Mais je paie les frais de scolarité de mes deux enfants plein tarif. Nous n'avons droit ni à des réductions, ni à des privilèges, ni à une aide spéciale. J'y arrive difficilement ». 
« Les Marocains et Français recrutés localement par le Lycée Lyautey n'ont droit ni à la sécurité sociale, ni à la retraite, ni à aucune forme d'indemnisation. »  
Les élèves s'inquiètent : « Sur la porte arrière de l'établissement, il est écrit sans faute d'orthographe aucune, juste en bas de Personnel en grève : "On veut nos cours et nos notes ", " Vous êtes des c. »
Les parents d'élèves, un temps solidaires, ont finalement montré leur mécontentement :  
« Me Boukouraych, de l'UCPE, affirme : "nous ne voulons pas payer les pots cassés".
En effet, non seulement les heures de cours non faites s'accumulent au détriment des élèves mais les solutions envisagées risquent de porter sur les parents ce qu'ils refusent absolument; le SCAC promet qu'il n'y aura aucune incidence sur les frais de scolarité. http://www.leconomiste.com/article/greve-des-enseignants-de-la-mission-les-parents-deleves-refusent-de-payer-les-171pots-casses
"Ils réclament une reprise immédiate des classes et rejettent toute nouvelle hausse des frais de scolarité. Colère des parents d'élèves inscrits dans les établissements de la Mission française. Après avoir soutenu le mouvement de grève des enseignants décrété le 9 novembre, ils marquent une pause et réclament la reprise immédiate des classes. Hier à Rabat, ils ont observé un sit-in devant le Lycée Descartes sur appel de l'Union des Conseils des Parents d'Elèves (UPEC). “Nous sommes là pour exprimer notre mécontentement face à cette grève, qui pénalise en premier lieu les élèves”"
Le mouvement des parents est essentiellement mené pour exprimer leur “rejet catégorique de toute hausse des frais de scolarité”. Ils l'ont déjà fait savoir le 20 novembre, dans une lettre adressée au Premier ministre français, au ministre des Affaires Étrangères, au ministre chargé de la Coopération, au président du Sénat et au directeur de l'AEFE. Les parents exigent également une meilleure qualité de l'enseignement. “Nous payons cher pour une qualité qui laisse à désirer”, proteste une mère qui connaît le système depuis 1988. L'UPEC demande plus de titulaires de l’Éducation nationale française et plus de rigueur dans la sélection des contractuels."

LES NÉGOCIATIONS :
« Relevé de conclusions de la réunion du 22 novembre 2000 entre les représentants du ministère des Affaires étrangères, de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger et des organisations syndicales  (http://www.hdf.snes.edu/reformedudecretaefe/releveconclusions22nov00.htm)
Les représentants du ministère des Affaires étrangères, de l’AEFE et des syndicats se sont réunis le 22 novembre 2000 et, sur la base de l’accord du 14 juin 2000, sont arrivés aux conclusions suivantes :
- La refonte du décret du 31 mai 1990 devrait intervenir au 1er septembre 2001.
- Le nombre des enseignants titulaires ne sera pas diminué ;
- La réforme du mode de calcul des rémunérations ne se traduira par aucune amputation de revenu pour les personnels en poste au moment de la mise en œuvre de la réforme, quel que soit leur statut ;
- Versement aux résidents, dès l’application de la réforme, de majorations familiales à hauteur de 40 % des majorations familiales servies aux expatriés ;
 - Mise en place d’une indemnité de résidence versée par l’AEFE qui sera un pourcentage, variable par pays, de l’indemnité d’expatriation. Cette indemnité se substituera aux primes de cherté de vie servies par les établissements. Cette indemnité de résidence sera un pourcentage, variable par pays, de l’indemnité d’expatriation. Dans le cas où l’indemnité de résidence serait inférieure à la PCV précédemment servie, une indemnité différentielle serait versée aux agents en poste au moment de l’application de la réforme ;
 - Le ministère des Affaires étrangères et l’AEFE s’engagent à réunir dans les plus brefs délais un groupe de travail interministériel pour étudier la possibilité d’étendre à l’étranger les cessations progressives d’activité et les temps partiels. Les congés de longue maladie feront l’objet d’une circulaire spécifique pour les résidents qui sera présentée au prochain CTP de l’Agence ;
 - En  ce qui concerne les recrutés locaux, les conclusions de l’accord du 14 juin ont été réaffirmées. Pour le Maroc en particulier, le ministère des Affaires étrangères et l’Agence s’engagent à permettre aux recrutés locaux de nationalité française qui le souhaitent de s’affilier à la sécurité sociale française (régime général ou caisse des français de l’étranger). Cette mesure devrait prendre effet au 1 janvier 2001 ; 
- Le versement de droits de scolarité par les résidents bénéficiant jusqu’alors d’exonérations dégagera des marges de manœuvre qui seront laissées à la disposition des établissements pour leur permettre d’améliorer la situation des recrutés locaux. Les droits acquittés par les résidents ne pourront excéder le montant des majorations familiales qui leur seront servies ;
- Le groupe de travail a décidé d’une prochaine réunion le 8 février 2001 pour examiner les deux points à l’ordre du jour : tableau des indemnités de résidence par pays et examen de la situation des recrutés locaux à partir d’un échantillon présenté par l’Agence ;
 - Le groupe de travail a pris acte de la démarche du ministère des Affaires Étrangères de se rapprocher du ministère de l’Éducation nationale pour lui proposer un partage des missions et des charges de l’Agence ;
 - Ces mesures qui ne devront pas alourdir la charge des parents représentent un effort financier de l’ordre de 80 MF par an  

L’administration indique que leur financement sera assuré en 2001 en partie par prélèvement sur le fonds de roulement de l’AEFE et en partie par la transformation de postes d’expatriés en postes de résidents, ce que refuse le SNES... »
 Les négociations ont conduit à une division entre le SNES et le SGEN notamment lors de la journée du 22 novembre : on trouve trace des désaccords dans les textes du SNES :
« Rappelons que le SGEN (8,1% des voix des enseignants aux dernières élections à l'AEFE) envisage allègrement de faire porter aux seuls enseignants le poids de la réforme et propose, pour les seuls enseignants expatriés (rebaptisés mobiles), une diminution de l'indemnité de résidence de plusieurs dizaines de pourcentages! Cette proposition n'a donc pas été faite à l'administration. »   http://www.hdf.snes.edu/reformedudecretaefe/crreunion22nov00.htm
Le SGEN a alors envisagé la création d'un statut unique, d'enseignants mobiles, de manière à ne pas voir entérinée l'existence de deux statuts très inégalitaires pour un travail identique. Le SNES a continué à défendre le maintien des postes d'expatriés voire leur augmentation tout en s’accommodant d'un statut au rabais (certes légèrement amélioré à l'issue de cette grève).
De fait, le SNES a voulu que naisse ce statut de résident dont on voit au fil des ans qu'il devient LE STATUT quasi unique des enseignants à l'étranger puisque le SNES n'a pu empêcher la disparition des expatriés.
N'eût-il pas été plus judicieux de se battre pour créer un statut unique égalitaire, avec des voyages pris en charge, une indemnité d'expatriation, des avantages familiaux, certes moindres que ce que reçoivent les expatriés, mais moins mesquins que ce que touchent les résidents....  
« Avec l’assentiment de certaine organisation syndicale, le choix de deux statuts bien différenciés a été acté dans le décret de 2002. Les personnels résidents ont bénéficié d’une indemnité spécifique de vie locale qui ne représentait en moyenne que 15% de l’indemnité d’expatriation versée aux expatriés. Depuis lors, pour des raisons financières, le statut de résident est devenu presque systématiquement la norme de l’expatriation. Le Sgen-CFDT ne peut que constater aujourd’hui les nombreux effets négatifs engendrés par les choix opérés il y a presque dix ans. » 
(Lettre ouverte à la directrice de l’AEFE, 7 octobre 2011 http://etranger.sgen-cfdt.org/spip/?Le-Sgen-CFDT-ecrit-a-la-directrice)
Bref, le 24 novembre la grève prend fin : un statut de résident va naître certes amélioré par rapport à l'avant-grève mais créant un statut d'expatrié au rabais, celui du décret de 2002. (http://etranger.sgen-cfdt.org/spip/?Decret-no2002-22-du-4-janvier-2002).
Restent en suspens plusieurs questions, notamment celle relative aux congés maladies (ce qui concerne aussi les expatriés) mais surtout l’absurdité du recrutement différé des résidents pendant les trois premiers mois, où ils sont de fait en contrat local.
Les contrats locaux ont obtenu d'être enfin couverts par leur employeur... Il faudra pourtant de nouvelles actions (en mai 2010) pour qu'ils obtiennent des régularisations rétroactives (avant 2002) et tous les cas ne sont pas encore réglés en février 2012.