Rencontre au Lycée Descartes (Rabat) du 10 mai 2019 avec Olivier Brochet, directeur de l’AEFE
Après un propos introductif sur
l’importance des professeurs comme partenaires du développement du réseau de l’enseignement
français à l’étranger (EFE), M. Brochet a insisté sur le fait que l’AEFE était
à un moment important de son histoire au regard des objectifs présidentiels de
doublement de l’offre de places d’ici 2030. S’il s’agit de scolariser les
enfants de la communauté française (seul 1/3 d’entre eux le sont dans l’EFE),
il s’agit aussi et surtout d’accroitre le rayonnement international de la
France en portant ses valeurs. L’AEFE apparaît alors comme la colonne
vertébrale d’un réseau qui va s’amplifier avec le développement
d’établissements partenaires principalement (« éléments clés du
réseau ») et le maintien d’établissements conventionnés.
Cependant, il a également rappelé
que c’est sous une contrainte budgétaire forte que cette évolution allait être
organisée, et dans le cadre d’une « compétition mondiale » sur le
« marché éducatif ».
Le pilotage stratégique de l’AEFE,
expliqué aussi en référence au rapport Cazebonne, doit viser une offre de
qualité qui permette aux familles de choisir un enseignement porteur de
valeurs. Mais cela nécessite des ressources pour lesquelles les détachements de
personnels de l’Education nationale ne suffiront pas. C’est pourquoi deux
dispositifs sont en développement. Le premier à travers un certificat
« enseignement français à l’étranger » dans le cadre du master MEEF
pour ceux qui choisiraient (sic !) de ne pas passer le CAPES ou
l’agrégation et seraient à la recherche de nouveaux horizons. Le deuxième à
travers la formation de personnels locaux en partenariat avec les ESPE pour la
formation initiale, à l’image de la convention signée entre l’UIR au Maroc et
l’ESPE de Nancy-Metz (cela concerne pour l’heure l’enseignement primaire), et à
travers la mutualisation des formations proposées par les EEMCP2.
Enfin, des évolutions budgétaires
sont attendues, en particulier dans la recherche d’une capacité d’emprunt
évitant de financer les investissements sur les fonds de roulement des
établissements. Un contrat d’objectif et de moyens est en cours de rédaction
avec le MAE et devrait offrir une vision budgétaire à 3 ans.
Le directeur conclut son propos
en insistant sur la nécessité d’amplifier la qualité et l’attractivité de
l’EFE, et sur le rôle central qu’y jouent les enseignants.
Réponses aux questions
Le directeur reconnaît une
contradiction entre les coupes budgétaires violentes et les objectifs affichés
mais que ces décisions s’imposent à l’agence. De nouvelles suppressions sont
programmées mais les arbitrages seront réalisés le plus finement possible en
particulier au regard des viviers (entendre ne pas supprimer de postes de
titulaires là où il n’y a pas de contrats locaux possibles). Si le Maroc a subi
de nombreuses suppressions c’est aussi parce que c’est le plus gros réseau avec
un taux d’encadrement de titulaires très élevé.
En réponse au pointage des
contradictions entre les actes (suppression de postes) et les ambitions
affichées (doubler et renforcer la qualité), il rappelle que l’EFE doit marquer
ses différences avec la concurrence (en particulier sur l’école inclusive) et
que la concurrence doit être vue comme une source d’émulation pour améliorer
l’EFE dans une logique de réseau.
Pour ce qui concerne les refus de
renouvellement de détachements actuels, le MEN s’est engagé à les renouveler.
Les problèmes qui existent aujourd’hui portent sur le premier degré en raison
d’une chaîne de décision plus longue (les DASEN étant intermédiaires), mais
l’agence travaille avec le ministère à résoudre ces problèmes. Pour ce qui concerne
les nouveaux détachements (nouveaux contrats relevant également d’une mobilité
interne), le MEN est souverain.
Commentaires
Le vocabulaire utilisé par le
nouveau directeur a le mérite de clarifier les choses. Nous travaillons dans
une organisation en compétition qui doit gagner des parts de marché. Le produit
doit être de qualité et attractif, c’est-à-dire se vendre à un prix
raisonnable. Ce qui est coûteux dans l’éducation c’est le personnel. Les
dispositifs proposés vont clairement dans le sens d’un accroissement de la
masse salariale proportionnellement inférieur à celui de l’offre éducative.
Valoriser la marque EFE devient la priorité.
Parier sur le certificat EFE et
les jeunes qui souhaitent voyager après un master MEEF plutôt que passer des concours
(ceux qui auraient échoué ?) est inquiétant. Former des personnels de
droit local est sans doute une nécessité mais aucune garantie n’est donnée
quant à l’encadrement.
Le réseau va certainement évoluer
vers un affaiblissement du taux d’encadrement de titulaires de l’éducation
nationale au fur et à mesure que le stock de résidents en contrat avec tacite
reconduction va se réduire (départ à la retraite, mutations ou retour). C’est
effectivement un tournant historique. Il est inquiétant pour l’enseignement
français à l’étranger. Il est inquiétant pour l’éducation nationale.
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