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dimanche 12 mai 2019

Enseignement français à l’étranger : des perspectives inquiétantes pour les personnels enseignants titulaires


Rencontre au Lycée Descartes (Rabat) du 10 mai 2019 avec Olivier Brochet, directeur de l’AEFE


Propos du directeur


Après un propos introductif sur l’importance des professeurs comme partenaires du développement du réseau de l’enseignement français à l’étranger (EFE), M. Brochet a insisté sur le fait que l’AEFE était à un moment important de son histoire au regard des objectifs présidentiels de doublement de l’offre de places d’ici 2030. S’il s’agit de scolariser les enfants de la communauté française (seul 1/3 d’entre eux le sont dans l’EFE), il s’agit aussi et surtout d’accroitre le rayonnement international de la France en portant ses valeurs. L’AEFE apparaît alors comme la colonne vertébrale d’un réseau qui va s’amplifier avec le développement d’établissements partenaires principalement (« éléments clés du réseau ») et le maintien d’établissements conventionnés.

Cependant, il a également rappelé que c’est sous une contrainte budgétaire forte que cette évolution allait être organisée, et dans le cadre d’une « compétition mondiale » sur le « marché éducatif ».

Le pilotage stratégique de l’AEFE, expliqué aussi en référence au rapport Cazebonne, doit viser une offre de qualité qui permette aux familles de choisir un enseignement porteur de valeurs. Mais cela nécessite des ressources pour lesquelles les détachements de personnels de l’Education nationale ne suffiront pas. C’est pourquoi deux dispositifs sont en développement. Le premier à travers un certificat « enseignement français à l’étranger » dans le cadre du master MEEF pour ceux qui choisiraient (sic !) de ne pas passer le CAPES ou l’agrégation et seraient à la recherche de nouveaux horizons. Le deuxième à travers la formation de personnels locaux en partenariat avec les ESPE pour la formation initiale, à l’image de la convention signée entre l’UIR au Maroc et l’ESPE de Nancy-Metz (cela concerne pour l’heure l’enseignement primaire), et à travers la mutualisation des formations proposées par les EEMCP2.

Enfin, des évolutions budgétaires sont attendues, en particulier dans la recherche d’une capacité d’emprunt évitant de financer les investissements sur les fonds de roulement des établissements. Un contrat d’objectif et de moyens est en cours de rédaction avec le MAE et devrait offrir une vision budgétaire à 3 ans.

Le directeur conclut son propos en insistant sur la nécessité d’amplifier la qualité et l’attractivité de l’EFE, et sur le rôle central qu’y jouent les enseignants.


Réponses aux questions


Le directeur reconnaît une contradiction entre les coupes budgétaires violentes et les objectifs affichés mais que ces décisions s’imposent à l’agence. De nouvelles suppressions sont programmées mais les arbitrages seront réalisés le plus finement possible en particulier au regard des viviers (entendre ne pas supprimer de postes de titulaires là où il n’y a pas de contrats locaux possibles). Si le Maroc a subi de nombreuses suppressions c’est aussi parce que c’est le plus gros réseau avec un taux d’encadrement de titulaires très élevé.

En réponse au pointage des contradictions entre les actes (suppression de postes) et les ambitions affichées (doubler et renforcer la qualité), il rappelle que l’EFE doit marquer ses différences avec la concurrence (en particulier sur l’école inclusive) et que la concurrence doit être vue comme une source d’émulation pour améliorer l’EFE dans une logique de réseau.

Pour ce qui concerne les refus de renouvellement de détachements actuels, le MEN s’est engagé à les renouveler. Les problèmes qui existent aujourd’hui portent sur le premier degré en raison d’une chaîne de décision plus longue (les DASEN étant intermédiaires), mais l’agence travaille avec le ministère à résoudre ces problèmes. Pour ce qui concerne les nouveaux détachements (nouveaux contrats relevant également d’une mobilité interne), le MEN est souverain.


Commentaires


Le vocabulaire utilisé par le nouveau directeur a le mérite de clarifier les choses. Nous travaillons dans une organisation en compétition qui doit gagner des parts de marché. Le produit doit être de qualité et attractif, c’est-à-dire se vendre à un prix raisonnable. Ce qui est coûteux dans l’éducation c’est le personnel. Les dispositifs proposés vont clairement dans le sens d’un accroissement de la masse salariale proportionnellement inférieur à celui de l’offre éducative. Valoriser la marque EFE devient la priorité.

Parier sur le certificat EFE et les jeunes qui souhaitent voyager après un master MEEF plutôt que passer des concours (ceux qui auraient échoué ?) est inquiétant. Former des personnels de droit local est sans doute une nécessité mais aucune garantie n’est donnée quant à l’encadrement.

Le réseau va certainement évoluer vers un affaiblissement du taux d’encadrement de titulaires de l’éducation nationale au fur et à mesure que le stock de résidents en contrat avec tacite reconduction va se réduire (départ à la retraite, mutations ou retour). C’est effectivement un tournant historique. Il est inquiétant pour l’enseignement français à l’étranger. Il est inquiétant pour l’éducation nationale.
 

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