Pages

samedi 31 décembre 2011

Liberté pédagogique...

On entend en ce moment  beaucoup les professeurs utiliser l'expression "liberté pédagogique".
Est-ce à dire qu'elle est bafouée ou risque de l'être? Que revendiquent-ils en fait? Cette formule apparaît comme la réponse à toute une série de situations qui sont jugées comme des attaques du métier d'enseignant.

Comme le dernier billet l'a noté, le débat du moment est de savoir si le bac blanc aura lieu ou non, sachant que les parents et les élèves font pression pour qu'il ait lieu : la liberté pédagogique des enseignants est ici malmenée.

Elle l'est d'autant plus que l'administration, ne sachant comment sortir de cette impasse a décidé de réunir un conseil d'établissement le jour de la rentrée avec la présence du conseiller culturel en charge des questions d'éducation pour réinstituer le fameux bac blanc. De fait, la mise en œuvre du bac blanc sera décidée, et la parole des professeurs n'y pourra rien.

Effectivement, les institutions scolaires ne permettent pas que  les représentants des personnels, enseignants puissent s'opposer à une décision du CE : parents, élèves et représentants de l'administration font forcément pencher la balance dans leur sens.

Si le bac blanc est ainsi décidé, la liberté pédagogique est-elle compromise? Certes, le CE est compétent en matière pédagogique. Mais si de fait, parents, élèves et administration décident du bac blanc, n'entament-ils pas la liberté pédagogique des professeurs?

Ici, il n'est pas vraiment question de liberté pédagogique du professeur, mais d'un choix pédagogique de l'établissement. (il ne s'agit pas ici de discuter du caractère pédagogique ou non d'épreuves blanches type bac blanc). Si les professeurs brandissent le thème de la liberté pédagogique, c'est pour protester contre l’immixtion de non enseignants dans l'acte pédagogique.

Le bac blanc n'est pas un acte pédagogique individuel mais un acte pédagogique d'un établissement scolaire, d'une collectivité d'enseignants et de leur administration. Son opportunité peut être discutée, sa pertinence dénoncée, mais pas plus que le bac, il ne relève d'un choix individuel. En tant que fonctionnaire, le professeur doit préparer et faire passer le bac; par contre, c'est pour appliquer une décision d'établissement, qu'il doit faire passer un bac blanc. Bref, l'argument de la liberté pédagogique manque ici de justification.

S'il est utilisé, c'est qu'il exprime un malaise croissant d'un corps qui se voit sans cesse sollicité pour d'autres tâches que celles qu'il considère être les siennes, tandis qu'elles ne sont pas accompagnées de compensations notamment financières. Au contraire, le gel des traitements, et ici à l’étranger, l'incertitude quant aux indemnités spécifiques... tendent à prouver le manque de considération à son égard.
Face à ces injonctions venant du ministère, de l'AEFE ou de l'administration du lycée, la réaction naturelle est de se replier sur la défense des statuts et sur la mythique liberté pédagogique.

Or d'un certain point de vue, la seule liberté pédagogique du professeur est la manière dont il choisit de faire passer le programme, n'étant évidemment pas maître du contenu de ses cours, c'est  effectivement en pédagogue qu'il fait ses cours.

Il serait souhaitable cependant, de redéfinir les contours du métier d'enseignant, de définir clairement ses tâches, d'encadrer en fonction de l'établissement où il exerce, les pratiques pédagogiques... Faire cours n'étant pas simplement avoir la paix dans sa classe mais savoir trouver les bons moyens pour faire passer des notions, atteindre les objectifs en principe définis par les programmes. Pour ce faire, il serait opportun de réfléchir collectivement - ce que nous ne pouvons pas faire à l'heure actuelle, sauf à augmenter considérablement notre temps de travail - car seul dans sa classe, l'enseignant n'est pas forcément bien armé pour juger de la pertinence - sans parler même de l'efficacité - de ses méthodes pédagogiques.

Il apparaît donc que se référer à la liberté pédagogique est une manière de se protéger dans son pré-carré d'enseignant. Dans quelle mesure cependant, cette expression ne sert-elle pas à éviter une vraie réflexion sur notre métier?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire