Dans les établissement scolaires, désormais, les professeurs sont tenus de remplir un cahier de textes électronique. De même sont-ils invités fortement à remplir "pronotes", en quelque sorte un carnet de notes électronique.
Or, on constate des réticences de la part de nombre de professeurs, pas forcément les plus âgés, n'ayant que peu de goût pour ces outils alors que d'autres séduits par les facilités offertes les utilisent sans se poser trop de questions,
Je crois le temps venu de se poser des questions, non pour stopper cette évolution ni revenir aux pratiques d'hier, mais pour mesurer les enjeux que cet usage soulève.
Les avantages du cahier de textes électronique pour le professeur sont indéniables : les mêmes que ce que les outils informatiques classiques offrent, copier/coller, insérer des images, des documents... Il remplace utilement l'antique cahier de textes qu'un élève responsable apportait à chaque cours et qui au bout de très peu de temps était oublié quelque part et perdu définitivement.
Étant désormais obligatoire, personne ne s'y oppose franchement sauf en pratiquant une forme de résistance passive.
Les avantages de "pronotes" pour les professeurs sont de remplacer le carnet de notes, calculer immédiatement les moyennes, avec le coefficient que l'on veut, rendre visible la note quand on le veut.... et donner les appréciations en fin de trimestre...
Mais n'étant pas obligatoire au sens statutaire du terme, il est vu comme un surcroît de travail, puisqu'il n'est pas considéré comme un carnet de notes, mais uniquement comme l'équivalent de l'antique "calamazo", où l'on entrait moyennes et appréciations avant les conseils de classes.
Mais ces outils s'ils offrent d'immenses avantages, posent des problèmes qu'il faut soulever :
- Il n'est pas sûr que le temps de travail induit par ces nouvelles tâches soit plus grand, mais de fait tout le monde ne manie pas avec aisance l'outil informatique; cela peut donc paraître comme une tâche lourde et ingrate. Ce problème se résoudra de lui-même avec le temps.
- L'information que donne le professeur - les notes attribuées pour tel devoir, ou le travail effectué telle heure - peut être vue et connue de tous les parents, les élèves, et l'administration.
Autrement dit, le professeur peut se sentir continuellement sous contrôle, voire est effectivement sous contrôle. Il peut craindre de perdre sa liberté pédagogique, de noter quand il veut, d'être maître du nombre de devoirs qu'il donne, de la quantité d’informations à consigner dans le cahier de textes, puisqu'un parent, un élève ou l'administration peut lui demander des comptes. On n'est pas loin de la situation racontée par Chaplin dans les "Temps modernes"!
Comment faire donc pour garder sa liberté et ne pas être sous contrôle incessant, tout en conservant ces outils ?
- Il y a nécessité de passer une sorte de contrat avec l'administration en insistant sur ce que sont les devoirs, les seuls devoirs du professeur et en rappelant la nature de la liberté pédagogique.
- ses devoirs : évaluer les élèves et fournir en fin de trimestre une moyenne assortie d'un commentaire; faire en sorte de permettre que tous les élèves puissent progresser et réussir (passer dans la classe supérieure et réussir les examens).
- la liberté pédagogique est dans le choix des progressions, des évaluations, du type des évaluations, des méthodes pour faire passer un cours, dans le cadre naturellement des conseils et consignes que l'inspection lui prodigue. Mais cela ne peut être jugé ni par les élèves, ni par les parents, ni par l'administration.
Dans ce cadre, l'administration peut rappeler aux professeurs qu'ils doivent remplir leur cahier de textes et contrôler qu'ils l'ont fait, peut leur imposer la date butoir pour que les moyennes soient données, mais ne peut juger du contenu du cahier de textes, ni donner son avis sur le nombre de notes données.
Certes, l'administration est heureuse de disposer maintenant d'un outil qui permette aux parents de suivre régulièrement le travail de leurs enfants : les professeurs n'en ignorent évidemment pas l'intérêt. Elle ne peut pourtant pas imposer aux professeurs - tant que de nouvelles règles ne sont pas officiellement adoptées - de consigner régulièrement sur pronotes leurs notes.
A ce moment-là, si en l'absence de notes, les parents s'interrogent, et font part de leur interrogation à l’administration, celle-ci doit clairement répondre aux parents, qu'il en va de la liberté pédagogique des enseignants, et qu'ils peuvent s’informer du travail de leur enfant auprès du professeur principal ou du professeur concerné en demandant un rendez-vous.
La transparence et l'immédiateté de l'information par l’outil informatique sont en effet des risques importants ; il faut obtenir de l’administration de ne pas outrepasser ses droits en la matière et de respecter la liberté pédagogique des professeurs.
Pour une charte du bon usage de l’informatique dans les établissements scolaires !
Educnator contre Mme Coupard
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