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Mission de Françoise Guyot au Maroc


Mission au Maroc  -  Novembre 2009
Le Sgen-CFDT à la rencontre des personnels

L'objectif de ce voyage au Maroc, du 18 au 27 novembre 2009, était de visiter les nombreux établissements du réseau AEFE dans ce pays et de prendre contact avec les personnels pour faire connaître le Sgen en profitant de la passation de l'enquête Flash pour aller à leur rencontre. Ce déplacement a également permis de mieux appréhender la situation des personnels dans ce réseau et leurs revendications.
Un réseau important
Le réseau d'enseignement français du Maroc, le plus important au monde, est composé très majoritairement d'établissements de l'AEFE mais aussi de nombreux établissements dépendant de l'OSUI, Office scolaire et universitaire international, affilié au réseau de la MLF et avec qui les rapports sont étroits. Il connaît depuis une dizaine d'années de profonds bouleversements dont les causes sont diverses.
Il comprend 23 écoles, collèges ou lycées, tous sous statut d'établissement en gestion directe, et regroupés en cinq pôles chapeautés chacun par un lycée : les pôles de Tanger, Fès, Rabat, Marrakech et Casablanca.
Un public d'élèves en profonde mutation
En moyenne, le réseau AEFE au Maroc scolarise environ autant de français que de marocains. Les élèves marocains sont issus de milieux aisés mais l’augmentation des frais de scolarité éloigne progressivement certaines catégories, comme les professeurs d’université ou les hauts fonctionnaires, qui ne peuvent y plus faire face. La pression des familles marocaines sur les résultats de leurs enfants a toujours été grande.
Depuis une dizaine d’années, de nombreux marocains résidant en France reviennent dans leur pays et scolarisent leurs enfants, de nationalité française, dans le réseau AEFE. Le succès touristique de villes comme Marrakech, en pleine expansion, a attiré de nombreux marocains ou français souhaitant y faire fortune. Ces enfants, qui ne connaissent rien de ce pays et qui souvent ont habité les banlieues difficiles, constituent un public très différent du public traditionnel, très respectueux de l’enseignant. Ce phénomène massif pose un réel problème aux équipes pédagogiques et de direction d’autant que ces élèves ont un niveau scolaire nettement plus faible que leurs camarades marocains qui doivent, eux, passer des tests d’entrée assez sélectifs.
Enfin l’explosion du nombre d’enfants français ou franco-marocains à scolariser a diminué d’autant les places disponibles pour les familles marocaines qui se tournent vers les établissements que l’OSUI implante depuis une dizaine d’année. Ce phénomène va aller en s’aggravant car en maternelle on compte jusqu’à 70 voire 80 % d’enfants français.
Des personnels enseignants inquiets de leur avenir
Le pourcentage moyen de titulaires parmi les enseignants du réseau est élevé (80 %) et l’Agence n’envisage pas de le réduire. Toutefois on observe des disparités importantes entre les établissements. Dans les écoles primaires visitées, la plupart des enseignants sont des résidents. Par contre au collège de Kénitra, le taux de titulaires est de 50 % si l’on considère l’ensemble des classes, premier degré et collège, mais il tombe à moins de 40 % si on ne retient que les classes de collège.
Comme ailleurs la disparition des postes d’expatriés est massive et brutale. Plusieurs d’entre eux ont vu leur contrat non renouvelé après 3 années avec pour conséquence des situations financières délicates pour ceux qui avaient anticipé sur 6 années d’expatriation. Certains contrats ont même été rompus après 4 années en poste, c'est-à-dire une année après avoir été renouvelés. Parallèlement, quelques postes sont créés sur des tâches plus transversales.
Chez les personnels résidents règne une très grande inquiétude sur une possible obligation à la mobilité. A l’origine de cette inquiétude une rumeur diffusée par la FSU selon laquelle les résidents qui refusent de bouger seraient contraints de passer sous un contrat de droit local. A l’heure actuelle aucune information en provenance de l’AEFE ne permet d’étayer une telle affirmation.
Il n’y a quasiment aucun TNR du fait d’une politique de création de postes de résidents financièrement assumés en grande partie par les établissements. Par contre des collègues titulaires en attente d’un poste de résident effectuent des vacations, par exemple dans les brigades qui assurent les remplacements dans le premier degré.
Les situations les plus difficiles concernent les personnels en contrat local. Contrairement à ce qui se fait dans de nombreux pays, ils doivent assumer les frais de scolarité de leurs enfants. Comme dans beaucoup d’endroits, la question des retraites est celle qui soulève le plus d’inquiétudes. D’autant que de 1986 à 2001, les établissements ne cotisaient à aucune caisse de retraite pour leurs recrutés locaux et nombre d’entre eux se retrouvent aujourd’hui avec beaucoup d’incertitudes sur leur retraite. Un recours avait été mené en 2007 mais sans succès. Aujourd’hui encore la question des retraites est loin d’être réglée avec des situations particulières complexes.
On retrouve beaucoup de recrutés locaux dans les postes administratifs où leur charge de travail est importante. Les secrétaires des établissements du premier degré, souvent à temps partiel, ont de multiples taches à accomplir qui justifieraient souvent un temps plein, du moins une quotité plus importante. Plusieurs directeurs ont confirmé cette insuffisance.
L’aide personnalisée a été mise en place à la rentrée de septembre 2009. Les dispositifs sont variés, souvent compliqués du fait de la juxtaposition avec les cours d’arabes.
L’offre de formation pour les enseignants est élaborée sur l’ensemble du réseau. Les stages sont nombreux et les collègues apprécient les possibilités qui leur sont offertes. Moins favorisés sur ce plan, les recrutés locaux sont très demandeurs de possibilité de se former, y compris pour passer des concours internes.
Dans les établissements du premier degré, les AVS qui prennent en charge les enfants handicapés sont payées par les parents. Un Rased existe sur Casablanca et un autre sur Rabat mais leurs effectifs sont jugés insuffisants par les enseignants et la prise en charge des enfants en grande difficulté n’est pas satisfaisante.
Un avenir plein d’interrogations
Les frais de scolarité ont augmenté de 50 % sur les trois dernières années !!! Et les droits de première inscription sont passés de 1 000 DH à 5 000 DH en un an !!! (1 000 DH = 88 €)
Le financement actuel du réseau AEFE marocain repose à 50 % sur les parents. Mais c’est un réseau qui coûte cher du fait du nombre important de titulaires et il n’est pas certain que ce réseau ait sa place dans les futures orientations de l’AEFE plus intéressée à développer des établissements prestigieux, véritables vitrines de l’enseignement français à l’étranger.
Dans l’immédiat l’objectif affirmé est de parvenir à un financement intégral des postes de résidents par les parents et à un autofinancement global de 70 %.
On peut craindre également que certains établissements soient délaissés et ne sortent du statut d’EGD pour un statut conventionné ou homologué voire un transfert à l’OSUI. De tels transferts ont déjà eu lieu au Maroc et se sont traduits par une dégradation de la situation des personnels dans la mesure où la gestion des personnels et le recrutement sont faits à l’OSUI de manière nettement moins transparente.

Françoise Guyot